Présentation de travaux par M. Rodolphe Bigot : l’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile

indemnisation-par-l-assurance-de-responsabilite-civile-professionnelle-l-exemple-des-professions-du-droit-et-du-chiffre-9782856232552Le 29 janvier 2016, M. Rodolphe Bigot a présenté aux membres du laboratoire sa thèse de doctorat consacrée à « l’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile : l’exemple des professions du chiffre et du droit ».

Rodolphe Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, avant-propos Hadi Slim, préface David Noguéro, Defrénois, collection Doctorat & Notariat (dir. B. Beignier), tome 53, juillet 2014, 810 pages

Prix Francis Durieux de l’Académie des sciences morales et politiques – Institut de France

Honorée d’une subvention de l’Ecole doctorale des Sciences de l’Homme et de la Société de l’Université François-Rabelais

Honorée d’une subvention de FIDES (Forum sur les institutions, le droit, l’économie et la société – Université Paris Ouest)

Sélectionnée par le groupe Lextenso éditions pour concourir au Prix du Cercle Montesquieu en avril 2015

Il s’agit d’un travail académique réalisé sous le prisme d’une méthode de recherche atypique. L’assureur historique des professions du chiffre et du droit a financé par un contrat de travail l’auteur de la recherche, au cours d’une période de quatre années, en lui confiant la mission d’étudier sa stratégie d’indemnisation et notamment sa politique interne de déjudiciarisation. À cet effet, l’assureur MMA a permis un accès privilégié aux données pour peser pragmatiquement l’intérêt de la déjudiciarisation induite par le système en place. Les données statistiques générales de l’assureur étant insuffisantes pour apprécier l’indemnisation et la stratégie, l’idée de réaliser un échantillonnage représentatif des risques s’est imposée. Deux études ont ainsi été menées. La recherche a donc pu être effectuée au cœur du système, avec la qualité d’observateur externe et indépendant.

Il est proposé d’analyser comment, dans le domaine de l’assurance de responsabilité civile des professionnels du chiffre et du droit, le mécanisme de garantie mis en place au profit de ces professionnels est susceptible d’influer sur la couverture du risque. À ce titre, les garanties offertes aux professionnels assurés sont-elles suffisantes ? Au-delà, ce mécanisme de garantie a une influence sur l’indemnisation des victimes. Il convenait alors de se demander si les dommages qu’elles subissent du fait de l’activité des professionnels assurés sont correctement indemnisés. Ces questions se posent avec acuité parce que l’assurance considérée a été conçue pour la défense des intérêts des professionnels et est concentrée entre les mains d’une seule société d’assurance. En outre, elle les associe à sa gestion et elle repose largement sur des mécanismes contractuels, y compris de résolution des litiges.

Il s’agit en effet d’une réflexion théorique sur la problématique de l’influence de l’assurance sur l’indemnisation et la responsabilité, dont la spécificité est d’être menée à partir d’une position ancrée dans la pratique et même au cœur de celle-ci. Elle met dès lors à profit les informations et la collaboration des professionnels, dont notamment un assureur occupant une position éminente. Plus précisément, l’étude a pu être menée grâce à la contribution de l’assureur historique des professionnels du chiffre et du droit, lequel a notamment permis d’extraire des statistiques générales et de réaliser un échantillonnage représentatif des risques. À cet effet, une annexe contient des statistiques relatives à la sinistralité des professions prises comme objet d’étude, dans ses différents aspects (répartition par cause, coût moyen, délai moyen, taux d’appel, taux de pourvoi), les contrats d’assurance collective des différentes professions, un exemple de règlement intérieur et de statuts d’un comité technique régional, des échantillons de sinistre classés selon la type de réclamation et le type de solution (réclamation amiable/solution amiable, réclamation judiciaire/solution amiable…). Il s’agit donc d’une méthodologie de recherche originale et novatrice.

La thèse a pour objet de démontrer que l’efficacité de l’indemnisation par l’assurance (1ère partie), ne peut pas se maintenir sans une réelle protection de l’indemnisation par l’assurance (2nde partie). S’agissant de la mesure de l’efficacité de l’indemnisation par l’assurance (1ère partie), le droit de l’indemnisation par l’assurance de responsabilité des professionnels du chiffre et du droit est « inachevé » par rapport à d’autres domaines voisins, dont celui de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Est en cause ici l’existence de comités dans les différentes branches des professions qui ne permettrait pas un traitement égal des assurés et des victimes. Ainsi, apparaît la nécessité de rechercher la voie d’une amélioration de la protection des assurés et de l’indemnisation des victimes.

Dans un premier titre, il est donc présenté l’indemnisation sous contrôle d’un système assurantiel de défense professionnelle (Titre 1). Il convenait d’indiquer quels sont les professionnels du chiffre et du droit assurés, l’histoire et le contenu des différents contrats (Chapitre 1), avant d’étudier les caractéristiques de l’assurance de ces professionnels, dont la particularité est d’être dotée d’une organisation de défense collective (Chapitre 2). Précisément, un même assureur est devenu l’apériteur unique de ces risques professionnels. La mutualisation s’est construite sur le modèle de l’assurance collective, surtout à adhésion obligatoire, préférable à l’adhésion facultative, pour l’unité des garanties et la facilité de gestion notamment. L’assurance privée a ainsi permis, de longue date, de mutualiser chacune des professions du chiffre et du droit, qui connaissent pourtant de fortes amplitudes quant à leur responsabilité et leur sinistralité. Pour autant, le législateur n’est intervenu que par une casuistique, faisant preuve d’un libéralisme à géométrie variable, au point que l’on puisse être convaincu que les pouvoirs publics n’ont en définitive adopté aucune doctrine de l’assurance obligatoire. Cette situation a été compensée par l’expansionnisme d’un assureur historique. Des garanties contractuelles de haut niveau sont souscrites en son sein par les différentes instances professionnelles, via des contrats d’assurance collective. Elles apportent ainsi, en amont, une sécurité importante dans la protection de la dette de responsabilité des assurés. Elles devraient, en aval, bénéficier aux victimes dans la réparation de leur créance.

Cependant, cette sécurité reste soumise à la précarité temporelle, selon la volonté tant des instances souscriptrices que celle de cet assureur historique. Il serait donc sans doute préférable que le législateur s’adapte aux risques connus en matière de seuil plancher de garantie et de plafond de garantie et impose une réglementation qui ne soit plus seulement de façade, en instaurant des planchers de garantie obligatoires en adéquation avec les problématiques croisées des fortes réclamations, des fortes évaluations et des règlements les plus importants dans chacune des professions. Le fondement complémentaire de l’intervention du législateur se trouve dans l’organisation spécifique de défense professionnelle, faite de comités de gestion concertée et accolée à ces assurances collectives, laquelle est susceptible de contrôler en partie, de manière plus ou moins directe, l’indemnisation des victimes.

L’influence méconnue des procédés d’indemnisation amiable procède d’une mainmise, certes classique, de l’assureur sur un processus de résolutions des conflits associée à une politique de déjudiciarisation renforcée de l’assureur historique des professions du chiffre et du droit, leader tant du marché des professionnels du chiffre et du droit que de celui l’assurance de protection juridique. Le dépassement de la logique de défense professionnelle vers celle d’indemnisation, par la création de commissions d’indemnisation dédiées, permettrait de lever les contraintes temporelles, financières et d’accès à l’information que le système assurantiel de défense professionnelle fait actuellement peser sur les victimes. L’on préfèrerait, pour le bénéfice de l’ensemble des acteurs, la recherche d’une indemnisation intégrale et rapide des tiers lésés.

L’objectif étant d’assurer à la victime une indemnisation intégrale et rapide (Titre 2), il est proposé de réformer le système en place en suggérant la création de commissions d’indemnisation indépendantes qui devraient être animées, non pas du seul désir de défense des intérêts professionnels mais aussi d’indemnisation des victimes, dont les décisions devraient remplacer les transactions et évaluer les pertes de chance.

L’objectif d’indemnisation intégrale et rapide des victimes procède de l’amélioration générale de la procédure d’indemnisation (Chapitre 1). Au délai toujours excessif d’indemnisation ou de rejet de celle-ci dans l’ensemble des scenarii de sinistres, malgré une stratégie amiable prédominante du système assurantiel, il a été suggéré d’instaurer un délai court du processus décisionnel, par l’officialisation de commissions d’indemnisation indépendantes, lesquelles montreraient un intérêt supérieur tant dans les scenarii amiables que judiciaires. En effet, en déterminant au plus vite, pour la majorité des sinistres, les responsabilités et en quantifiant les préjudices, l’on se donne toutes les chances d’abaisser certains postes de préjudices, à raison d’une aggravation par le temps qui s’écoule, de même que les frais ou intérêts accessoires, puis de rétablir la réputation de la profession à l’origine du sinistre. À ce titre, une simplification des scenarii d’indemnisation par la saisine directe d’une commission indépendante serait plus efficace.

L’amélioration de la procédure d’indemnisation procède encore des garanties apportées aux commissions d’indemnisation voulues. Il s’agit de nover les comités existants par un changement de perspective, de la fonction de défense professionnelle à la fonction d’indemnisation. Le système assurantiel s’est enfermé dans une stratégie d’évitement ou de minoration de l’indemnisation, qui en définitive ne le sert pas toujours. L’on peut néanmoins s’appuyer sur cette ébauche de système de comités tout en les dotant des garanties processuelles fondées sur la recherche de l’égalité de traitement entre assurés puis entre tiers lésés. À cet effet, l’on suggère une composition renouvelée des commissions en les dotant d’un statut juridictionnel, plutôt que de celui d’une autorité administrative indépendante. On peut conjuguer une compétence collégiale propice au débat, à l’échevinage, avec une saisine obligatoire de la commission, de même que la motivation de la décision et le paiement parallèle de l’indemnité par l’assureur, puis par le recours juridictionnel contre la décision de rejet ou d’indemnisation. Il serait ainsi possible d’améliorer nettement la procédure d’indemnisation et de faciliter la réparation rapide et intégrale. Substituer un régime de la décision par une commission indépendante à celui de la transaction par l’assurance privée, permettrait enfin de protéger la partie faible, du moins de mettre à l’écart ce rapport de puissance et l’instrumentalisation de la notion de perte de chance, tout en réimpulsant le souffle de la réparation intégrale dans l’indemnisation.

L’échantillonnage a permis de constater une réduction de l’indemnisation sous l’effet, parfois conjugué, de la perte de chance et de la transaction (Chapitre 2).

En ce qui concerne la perte de chance, ce préjudice est instrumentalisé, au point que la stratégie de défense professionnelle soit consolidée quant à cette notion, laquelle participe incidemment ainsi à sa propre dérive. En pratique, les victimes sont confrontées à des variations extrêmes des évaluations de la perte de chance. L’hyper-subjectivité dans l’analyse de ce préjudice se trouve même accrue dans l’indemnisation extrajudiciaire, à la fois en jouant le support et en étant la conséquence du marchandage préalablement relevé dans les négociations amiables. Dès lors, il paraît souhaitable de faire connaître une évolution à l’évaluation de la perte de chance, laquelle semble sommairement envisagée dans les différents projets de réforme du droit des obligations. À ce titre, l’on propose une rationalisation de l’évaluation de la perte de chance par l’instauration d’un référentiel des éventualités ou d’une nomenclature des chances, en vue d’une démarche simplificatrice de l’office du juge ou de la commission d’indemnisation. L’on conçoit ensuite que l’effort d’objectivation soit réalisé sur la base d’un examen effectué par une commission d’indemnisation spécialisée et indépendante dont on souhaite voir le jour.

Pour ce qui a trait à la transaction, les victimes sont susceptibles de subir une limitation de leur indemnisation par cette voie extrajudiciaire, dans cet environnement assurantiel. De manière chiffrée, l’échantillonnage réalisé met clairement en relief, en arrière-plan de la réciprocité théorique des concessions, une unilatéralité quantifiée de ces supposées concessions « réciproques », à raison cette fois d’une instrumentalisation de cette convention et de son régime par les acteurs de l’assurance. Au terme d’un déséquilibre à la fois quantitatif et qualitatif, non seulement l’assureur ne réalise qu’occasionnellement des concessions alors que les victimes en effectuent systématiquement, mais encore, lorsque l’assureur s’adonne à pareilles concessions, elles correspondent bien souvent à des obligations qui auraient toutes les chances d’être reconnues si le juge avait à connaître du litige. En effet, dans chacun des sinistres transigés de l’échantillonnage, des concessions ont été recensées de la part des victimes. A contrario, l’assureur n’en réaliserait tout au plus que dans 1/5e des cas dans le schéma amiable avec des indemnités extrajudiciaires et dans 1/3 des cas dans le schéma judiciaire avec indemnités extrajudiciaires. Cette situation renforce le souhait exprimé de substituer un régime de décision à celui de la transaction, laquelle fait l’objet d’un forçage des plus habituels en pratique. Le plus souvent, on est confronté à l’absence de transaction en présence d’une dette certaine de responsabilité. À ce titre une majorité de transactions seraient fictives en l’absence de concessions de l’assureur. En outre, le facteur du temps gagné est très relatif. Le rapport de pouvoir et de puissance de négociation génère ainsi une contrariété du droit à indemnisation et d’un régime réglementé de la transaction. Il incite à préconiser, outre la substitution d’un régime décisionnel, d’écarter l’option d’un régime réglementé de la transaction. Un tel régime porte des effets substantiels et processuels dangereux pour la victime et fait montre de carences pour le respect du droit à indemnisation. Ces carences persistent en cas de requalification en simple convention relative à l’indemnisation.

En définitive, la préférence pour le régime de la décision sur l’indemnisation par une commission indépendante trouve son fondement le plus légitime dans la protection de la partie faible ou la mise à l’écart d’un rapport de puissance. Elle vise enfin, de manière peut-être idéale, à améliorer l’indemnisation par la recherche récursive de la réparation intégrale.

Toutefois, ces remèdes sont insuffisants s’ils ne tiennent pas compte d’un autre phénomène, la protection de l’indemnisation par l’assurance (2nde partie). Ce qui est en cause c’est l’existence d’un certain nombre de comportements traduisant une « déresponsabilisation » des assurés qui menaceraient la mutualisation réalisée par l’assurance collective au détriment de l’indemnisation. Celle-ci ne joue plus son rôle de discipline, de même que les fonctions normative et sanctionnatrice de la responsabilité s’affaibliraient. Au titre des remèdes proposés, il s’agit de responsabiliser – au sens de rendre le sens des responsabilités – aux professionnels par le jeu du fait fautif et par la contribution de l’assuré à la prise en charge du dommage.

Pour la responsabilisation juridique par le jeu du fait fautif (Titre 1), il est suggéré d’agir de deux manières : d’abord, d’une manière large en restaurant les règles et les fonctions de la responsabilité civile professionnelle quelque peu mises à mal par leur assurance, ensuite, en réactivant l’inassurabilité de la faute intentionnelle qui serait quelque peu ignorée en ce domaine.

Déjà, la responsabilité civile pour faute reste une condition du bon fonctionnement des professions, mais elle est perturbée par l’assurance collective, neutralisant notamment ses fonctions normative et dissuasive (Chapitre 1). Ces fonctions ne sauraient être compensées par l’autodiscipline classique de l’assurance, laquelle disparaît dans le contrat d’assurance collective, lui-même assez hermétique à l’insertion pourtant souhaitable d’une clause de réduction-majoration. Néanmoins, l’assurance de responsabilité ne paraît pas substituable par d’autres mécanismes, à raison des finalités poursuivies. En effet, ne sauraient répondre à l’enjeu simultané d’indemnisation et de responsabilisation ni l’aménagement conventionnel anticipé de la responsabilité extracontractuelle, ni le recours à l’assurance directe, ni le recours à la solidarité nationale.

L’objectif de responsabilisation peut alors être secouru par la levée des obstacles à effets responsabilisants par l’aménagement des mécanismes d’assurance, souvent évincés par les assurances collectives et leur pratique, au premier rang desquels l’on trouve l’exclusion de la faute intentionnelle (Chapitre 2). Le principe de l’inassurabilité de la faute intentionnelle ou dolosive est non seulement soumis à des fluctuations jurisprudentielles d’appréciation entre conceptions restrictive et large de l’intention, mais encore à un tarissement du contentieux, en décalage avec les autres domaines de l’assurance. Les conséquences de ces conceptions – l’alternative entre l’indemnisation ou l’exclusion-sanction présentée comme radicale pour l’assureur – sont contournées par la pratique. Le législateur et la jurisprudence n’ont pas appréhendé la complexité du problème en matière professionnelle de manière transversale, puisqu’ici, en ne prenant que l’exemple notarial qui serait le plus concerné, l’alternative se dissipe. Il convenait donc de prendre en compte le contexte assurantiel particulier avant de renouveler la notion et les garanties qui l’accompagnent, afin d’espérer une mise en œuvre raisonnable.

Par ailleurs, les ressorts de la responsabilisation sont liés à la contribution effective de l’assuré à la prise en charge du dommage (Titre 2). Cette responsabilisation peut emprunter deux formes.

Elle est susceptible de prendre corps, d’une part, dans une contribution partielle par l’application d’un découvert de garantie effectif, sous forme de l’instauration d’un régime cadre de découvert obligatoire (Chapitre 1). Il peut s’agir, d’autre part, d’une contribution intégrale consistant à éviter la prise en charge des défaillances les plus graves par l’assurance de responsabilité et/ou la garantie collective des professionnels qui tendent à s’entremêler (Chapitre 2).

La responsabilisation par la contribution, partielle ou totale, de l’assuré à la prise en charge du dommage, relève de deux mécanismes ayant perdu leur effectivité en pratique. Les contrats d’assurance des professionnels du chiffre et du droit sont majoritairement soumis au régime de la franchise absolue qui s’inscrit dans une telle variété dans la réglementation et les contrats que seul un régime-cadre du découvert obligatoire pourrait remplir de manière pérenne l’objectif de responsabilisation, qui est par ailleurs recherché de manière trop dispersée par de rares professions. Encore faut-il que le découvert obligatoire soit rendu systématiquement inopposable aux tiers lésés et soit contrôlé de manière externalisée pour prétendre à l’effectivité et ne fasse pas l’objet, comme pour les notaires, de dispenses de paiement par l’assureur, lesquelles instaurent une inégalité de traitement entre assurés et désagrègent l’ambition de responsabilisation. L’on croyait au premier abord que celle-ci était rétablie par une pratique des découverts obligatoires aggravés, au terme de laquelle certains assurés acceptent de contribuer partiellement à l’indemnisation du dommage, au-dessus du montant du découvert légalement plafonné. Mais sa mise en œuvre hétérodoxe, par application à nouveau disparate pour des comportements proches, creuse l’inégalité de traitement et dissimule souvent une fausse sanction, plongeant ainsi l’objectif avancé de responsabilisation dans des eaux troubles. Dans les faits à l’origine de ces pratiques, l’application classique du droit des assurances conduirait souvent à une exclusion ou une déchéance de garantie, et donc à une contribution totale du responsable à la réparation du dommage. Le droit des assurances en sort déformé et les dispositifs pénal et disciplinaire sont susceptibles d’être évincés. L’on ose alors tenter de libérer le mécanisme assurantiel de la contribution partielle de l’assuré au dommage et sa fonction de responsabilisation en imaginant un découvert obligatoire effectif, dont l’application serait sous le contrôle d’une commission indépendante.

La contribution totale du professionnel à la prise en charge du dommage résulte en principe du recours effectué à son encontre, après l’intervention des diverses garanties financières complétives à celles de la responsabilité civile professionnelle qui ont été imposées aux professionnels du chiffre et du droit aux fins de sécurité directe de la clientèle. Ces doubles garanties sont souvent proposées par le même assureur. Pour ne prendre que l’exemple notarial, les deux contrats d’assurance sont organisés en toute complémentarité, avec un processus décisionnel soumis à un comité unique, laissant apparaître l’écueil de la confusion des garanties et d’affaissement de la responsabilisation dans le jeu des recours. Ce dernier peut être contourné en affectant la défaillance non pas telle qu’elle devrait l’être sur le contrat d’assurance de garantie collective mais sur celui de responsabilité civile professionnelle, au titre d’un sinistre classique, au prix d’une extension inopportune du domaine de la responsabilité civile et d’un risque de rétrécissement symétrique des responsabilités pénale et disciplinaire. Par la reconnaissance d’un ordre public professionnel et un meilleur aiguillage en commission indépendante des dossiers, la contribution personnelle et effective du professionnel au dommage dans ces cas les plus graves paraît davantage susceptible de répondre au trinôme responsabilisation, mutualisation, indemnisation.

En définitive, d’un point de départ de la recherche qui consistait à confronter l’indemnisation à l’assurance pour vérifier si l’indemnisation par l’assurance était efficace et si la mutualisation du risque professionnel et l’indemnisation qui en dépend étaient bien protégées par l’assurance, l’on est arrivé aux résultats aux termes desquels l’indemnisation n’a pas l’efficacité espérée, contrecarrée qu’elle est par un système assurantiel de défense professionnelle. Le déclin des techniques d’autodiscipline favorise une importante sinistralité qui pourrait menacer la mutualisation et donc l’indemnisation qui en découle. Sont ainsi émises une trentaine de propositions, avec leur cohérence d’ensemble, susceptibles de restaurer un équilibre entre l’indemnisation des victimes et la protection de l’ensemble des assurés, tout en tenant compte de leur responsabilisation. Ces propositions ont vocation à constituer ce que l’on pourrait qualifier de nouveau régime spécial de responsabilité civile professionnelle pour faute.