Retour sur le colloque « Propriété littéraire et artistique et humanités numériques »

Par François Hermand, doctorant

A l’initiative du CERDI (Centre d’Etudes et de Recherche en Droit de l’Immatériel) et de l’OBVIL (Observatoire de la vie littéraire) s’est tenu le 6 décembre 2013, à la Maison de la Recherche, un colloque sur le thème « Propriété littéraire et artistique et humanités numériques »1.

A l’image des humanités numériques – « transdiscipline porteuse des méthodes, des dispositifs et des Sciences humaines et sociales » 2 – la journée avait pour objet de favoriser le dialogue interdisciplinaire, et plus particulièrement celui entre le droit et la littérature.

La constitution de corpus numériques, initiée notamment par les littéraires3, a été l’occasion d’un tel dialogue car ce type de projet pose de nombreuses questions juridiques. En effet, le droit de la propriété littéraire et artistique est source d’entraves pour la constitution de ces corpus. Les droits patrimoniaux et le droit moral regorgent d’outils permettant aux auteurs et à leurs ayants droit de s’opposer à leur constitution.

Au terme de cette journée, un bilan négatif s’est imposé pour les corpus numériques. Le droit, faute de contenir des exceptions adaptées, bride leur développement. Les solutions ne peuvent que résulter d’une prise en compte des attentes des chercheurs en humanités numériques dans d’éventuelles réformes du droit d’auteur.

La consultation publique sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur lancée par la Commission européenne témoigne d’une réflexion au niveau supranational4. C’est l’occasion pour ces chercheurs d’exprimer leurs attentes et de formuler des propositions pour favoriser un accès large aux documents de recherche.

Une piste intéressante a été inaugurée par l’Allemagne5. La loi fédérale du 1er octobre 2013 a créé un droit de deuxième publication (Zweitverwertungsrecht). Ce droit permet à l’auteur d’une œuvre scientifique qui a déjà été publiée une première fois d’autoriser une seconde publication sur internet. Des règles encadrent ce droit. Il est limité aux travaux qui ont été financés à au programme-colloque-PLA-et-humanites-numeriques-2-e1395653585210moins 50 % par des fonds publics ; la première publication doit dater d’au moins un an ; enfin, la nouvelle publication ne doit pas poursuivre des fins commerciales.

Les limites apportées à ce droit de deuxième publication ne lui permettent pas d’être une panacée pour les revendications des humanités numériques, mais il a le mérite d’accroitre les opportunités favorables à la constitution de corpus numériques scientifiques. Et bien que ce nouveau droit semble ne satisfaire pleinement personne outre Rhin6, il reste qu’il constitue une avancée indéniable qui laisse apparaître l’intérêt du législateur pour les humanités numériques.

1. Le programme du colloque est accessible à l’adresse suivante : http://www.cerdi.u-psud.fr/manifestations/1552

2. Cette définition est issue du Manifeste des Digital humanities : http://tcp.hypotheses.org/318

3. On peut citer le projet « Molière 21 » de l’Université Paris 4-Sorbonne : http://www.moliere.paris-sorbonne.fr/

4. La consultation est accessible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2013/copyright-rules/index_fr.htm